Haïti assiégée par la violence et le chaos selon l’ONU

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a publié, par le biais de son Groupe d’experts sur Haïti, un rapport accablant sur la période d’octobre 2024 à février 2025, mettant en lumière une recrudescence alarmante de la violence des gangs, l’échec institutionnel des autorités de transition et des violations massives des droits humains.
Dans ce document de plus de 60 pages, le Groupe d’experts détaille une situation sécuritaire qui continue de se détériorer, où les gangs armés, en l’absence de riposte cohérente de l’État, étendent leur emprise territoriale et mènent des attaques sanglantes, notamment à Port-au-Prince, Pétion-Ville, Kenscoff et dans l’Artibonite. Au moins quatre massacres de grande ampleur ont été recensés, avec des bilans oscillant entre 70 et 200 morts chacun.
La faiblesse de la Police nationale d’Haïti, gangrenée par des divisions internes et un manque criant de ressources, combinée à une mission multinationale d’appui à la sécurité encore peu visible sur le terrain, a laissé le champ libre aux assauts coordonnés de l’alliance criminelle Viv Ansanm, dirigée notamment par Jimmy Chérizier alias « Barbecue ». Ce dernier va jusqu’à politiser les actes violents en lançant son propre parti, brouillant davantage les lignes entre crime organisé et ambitions politiques.
Le rapport met aussi en évidence le rôle croissant des groupes d’autodéfense et du phénomène des lynchages populaires, les fameux Bwa Kale, qui traduisent la perte de confiance des citoyens dans l’État et le retour à une forme de justice extrajudiciaire brutale. Des policiers seraient même impliqués dans des exécutions sommaires de présumés membres de gangs.
La prolifération des armes, malgré l’embargo imposé par les Nations Unies, continue d’alimenter la violence. Les experts évoquent un trafic soutenu, y compris depuis les stocks nationaux haïtiens et dominicains, ainsi que l’émergence d’armes « fantômes » non traçables.
Le document soulève également des inquiétudes concernant le commerce illicite de civelles (petites anguilles), devenu un levier économique pour les gangs. Ces trafics transfrontaliers servent de vecteurs pour le blanchiment d’argent et la consolidation d’un pouvoir criminel parallèle.
Enfin, la question humanitaire est au cœur du rapport. Plus d’un million de déplacés internes ont été recensés, dont un grand nombre d’enfants. L’accès à des zones stratégiques comme Kenscoff, par exemple, est aujourd’hui compromis, menaçant l’approvisionnement alimentaire et l’acheminement de l’aide.
Face à cette crise multidimensionnelle, les auteurs du rapport exhortent le Conseil de sécurité à renforcer son soutien à Haïti, notamment par une transformation de la mission actuelle en une opération de maintien de la paix plus robuste