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République Dominicaine: Une frontière surveillée, mais une humanité bafouée

La République dominicaine vient de réaffirmer sa fermeté en matière migratoire à travers une tournée de supervision menée par l’Observatoire des Politiques Migratoires (OPM) dans les zones frontalières de Pedernales à Manzanillo. Officiellement, il s’agissait de constater l’application des 15 mesures migratoires adoptées par le gouvernement d’Abinader et de « garantir le respect des droits humains ». Une promesse répétée, mais souvent contredite par la réalité sur le terrain.

« La frontière n’est pas seulement une ligne ou les limites d’un pays ; elle assure également une sécurité accrue pour les biens et les vies des citoyens de ce côté-ci », a déclaré Miguel Franjul, président de l’OPM. Mais qu’en est-il de la vie et de la dignité des citoyens de l’autre côté ?

Une politique sécuritaire au détriment de la dignité humaine

La militarisation accrue de la frontière, l’extension du mur, l’ajout de 1 500 soldats, et la mise en œuvre de contrôles biométriques donnent l’image d’une forteresse plus que d’une frontière humaniste. La République dominicaine semble répondre à la crise haïtienne non par la coopération régionale ou la solidarité, mais par une politique de fermeté brutale et de rejet systématique.

Les contrôles biométriques sont présentés comme des outils de sécurité, mais ils alimentent aussi des pratiques de profilage ethnique. Dans la réalité, de nombreux Haïtiens vivant légalement dans le pays sont arrêtés arbitrairement, déportés sans procédure, et souvent maltraités. Des femmes enceintes sont renvoyées sans accès aux soins, des enfants sont séparés de leurs familles des faits dénoncés à plusieurs reprises par Human Rights Watch, Amnesty International et l’ONU.

Une hypocrisie institutionnelle ?

Le discours officiel parle de « respect des droits humains » et de « transparence », mais la mise en œuvre des mesures migratoires est souvent opaque, sans suivi indépendant ni mécanismes de plainte efficaces. Andrés Bautista, ministre administratif de la présidence, affirme que l’OPM est là pour « observer, informer, et critiquer si nécessaire ». Mais jusqu’à présent, les voix critiques restent faibles ou marginalisées dans les espaces institutionnels dominicains.

L’OPM, pourtant composé de figures influentes de la société civile comme César Dargam (CONEP), Alliet Ortega (INTEC), Feliciano Lacer (CODUE) ou Wilson Gómez (Institut Duartien), donne peu de signes d’indignation face aux abus documentés envers les migrants haïtiens. La présence massive d’officiels ne garantit pas la justice, surtout quand la priorité est donnée à l’image politique plutôt qu’à la réalité humanitaire.

Une frontière de discrimination ?

Il est urgent de reconnaître que la politique migratoire actuelle est marquée par une logique discriminatoire envers les Haïtiens. L’histoire des relations entre les deux pays voisins est complexe, mais cela ne saurait justifier les pratiques d’exclusion et de déhumanisation systématique que subissent quotidiennement des milliers de migrants haïtiens.

Même les Haïtiens nés en République dominicaine, mais privés de documents, vivent dans une apátridie institutionnalisée, condamnés à l’invisibilité et à la précarité. Le gouvernement dominicain continue d’instrumentaliser la migration comme un outil de populisme nationaliste, sacrifiant les droits humains sur l’autel de la souveraineté.

Pour une frontière juste, pas seulement sûre

La sécurité nationale est un droit légitime. Mais elle ne peut se faire au prix de la souffrance humaine. La République dominicaine doit se souvenir qu’au-delà des chiffres et des murs, ce sont des personnes qu’elle rejette : des enfants, des femmes, des pères, des étudiants, des travailleurs. La frontière ne devrait pas être un mur de rejet, mais un pont de dignité, de régulation humaine, et de justice partagée.

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