Haïti au bord du gouffre : l’appel lucide de Sir Ronald Sanders

Dans un monde saturé de crises, la tragédie haïtienne se poursuit dans un silence assourdissant. Pourtant, dans un article courageux et éclairant, Sir Ronald Sanders, ambassadeur d’Antigua-et-Barbuda auprès des États-Unis et de l’OEA, nous oblige à regarder la réalité en face : Haïti s’effondre. Et les Haïtiens, déjà parmi les plus vulnérables de l’hémisphère, sont abandonnés à leur sort.
Sir Ronald Sanders ne se contente pas de décrire les faits. Il les documente avec précision. Plus de 4 400 meurtres entre avril 2024 et mars 2025, une capitale contrôlée à 80 % par des gangs, des femmes victimes de violences sexuelles en masse, une justice qui fonctionne depuis des maisons de fortune, et une transition politique qui n’a rien changé, sinon aggravé la situation.
Selon lui, le Conseil présidentiel de transition (CPT), mis en place en avril 2024 sans légitimité démocratique, a profondément échoué. Il s’appuie notamment sur le rapport accablant du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), qui dresse un tableau accablant d’impunité, de corruption et d’incompétence. Sanders souligne que sur treize massacres recensés, un seul a donné lieu à des poursuites. Le reste est laissé à l’oubli, et aux larmes des familles.
Mais Sir Ronald Sanders ne s’arrête pas à la critique : il propose une analyse stratégique claire et courageuse. Il affirme sans détour que, sans recours à la force, aucune amélioration sécuritaire ne sera possible. Mais il est tout aussi lucide : une telle force internationale n’aura jamais l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, bloqué par les jeux géopolitiques, ni celui de l’OEA, limité par sa charte. Le statu quo est donc condamné à perdurer si l’on ne sort pas des cadres habituels.
C’est pourquoi Sir Ronald Sanders avance l’idée, certes controversée mais nécessaire, d’un dialogue avec les chefs de gangs. Non pour leur donner du pouvoir, insiste-t-il, mais pour explorer des incitations à la coopération, dans le but de rétablir l’ordre et de préparer un avenir politique crédible. Il rappelle que dans d’autres régions du monde, des conflits internes ont trouvé une issue non pas par la violence seule, mais par la diplomatie de l’extrême.
Il appelle aussi à une coopération renforcée entre l’ONU, l’OEA, les membres influents du Conseil de sécurité et le CPT, pour établir un plan de stabilisation à court terme, couplé à une transformation économique à long terme. C’est cette vision à deux volets – sécurité immédiate et développement durable – que Sanders considère comme essentielle.
Dans un contexte où certains préfèrent des solutions militarisées risquées – comme le recours à des mercenaires dirigés par Erik Prince utilisant des drones meurtriers – Sir Ronald Sanders met en garde : cela pourrait entraîner une escalade incontrôlable, les gangs pouvant riposter avec les mêmes moyens technologiques.
Sir Ronald Sanders, fort de son expérience à la tête de la mission de l’OEA en Haïti en 2016, parle avec une autorité que peu peuvent revendiquer. Il nous rappelle que, sans une diplomatie audacieuse et un leadership régional fort, Haïti restera prisonnière de la violence, de l’instabilité et de l’abandon international.
L’heure n’est plus à l’attentisme. Il est temps d’écouter les voix lucides et expérimentées comme celle de Sir Ronald Sanders, qui ne se contente pas de diagnostiquer, mais trace une voie – difficile, mais possible – pour sortir Haïti de la spirale infernale.